1. Le Contexte
Notre époque est celle de l’ère urbaine. Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, plus de la moitié de la population mondiale vit dans les villes et cette proportion sera de 60 % en 2030, selon les projections du Système des Nations Unies. Par ailleurs, 90% de cette croissance urbaine se produit (statistiques NU) dans les pays en développement. Dans les vingt prochaines années, un doublement de la population urbaine est attendu dans des deux régions les plus pauvres du monde (l’Asie du Sud et l’Afrique subsaharienne).
Dans ces pays, plus d’un milliard d’habitants vivent dans des bidonvilles et font face quotidiennement à des risques sanitaires, des risques liés à l’emploi vulnérable ou dangereux, des chocs externes dus à des catastrophes naturelles (Tacoli and all, 2015). L’ensemble de ces risques sont aggravés par une mauvaise qualité de gouvernance pas suffisamment attentive aux besoins des communautés en vue de transformer ces bidonvilles en quartiers dynamiques et bien intégrés.
C’est dans ce contexte qu’intervient la Conférence mondiale des Nations unies sur le logement et le développement durable qui se tiendra à Quito, en Equateur, du 17 au 20 octobre 2016 et qui tentera de rassembler tous les acteurs de l’urbain, d’examiner et de tracer de nouvelles voies pour répondre aux nombreux défis de l’urbanisation et aux opportunités qu’elle offre pour la mise en œuvre des objectifs de développement durable.
A travers le nouvel agenda urbain, l’orientation majeure de la communauté des nations est de créer un modèle de développement urbain durable favorisant un nouveau modèle de ville. Cette nouvelle vison et ces nouveaux défis coïncident avec les difficultés d’anticipation du Sénégal en matière d’aménagement et de planification urbaine et l’adoption du Plan Sénégal Emergent (PSE) et de l’Acte III de la décentralisation par les nouvelles autorités étatiques afin de promouvoir une dynamique de l’approfondissement du processus de la décentralisation et un développement plus intégré des territoires.
2. La Planification Urbaine et Territoriale, un outil stratégique pour impulser les villes inclusives et le Droit à la cité
La Citoyenneté urbaine traduit dans les discours militants sous le concept de droit à la ville fait référence à la dimension juridique mais aussi les « appartenances communautaires et les identités parcellaires des urbains au bénéfice de la constitution de personnes inscrites dans des sociabilités proches » (P. Jacquemont, 2016). Ces appartenances et identités sont « celles de ceux qui veulent être reconnus, être entendus en tant que sujets politiques, participer à la transformation des relations et des représentations au sein de la société et qui médiatisent leur engagement pour obliger la sphère politique à bouger, à parer à l’urgence ou à changer les choses » (J. Donzelot, 2009).
En réponse à la résolution du Conseil des Nations Unies -HABITAT regissant 24/3 de Avril 2013, ONU-Habitat a conçu les Lignes Directrices Internationales sur la Planification Urbaine et Territoriale. Ces lignes directrices élaborées sur la base de preuves solides, de bonnes pratiques et des enseignements tirés des différentes contextes et à différentes échelles, sont un outil important pour impulser l’urbanisation durable dans le programme de développement post-2015 ainsi que la troisième Conférence des Nations Unies sur Logement et du Développement urbain durable (Habitat III), prévue en 2016.
Les principes promus dans ces lignes directrices contribuent à soutenir le développement durable des villes et établissements humains sur le plan social, économique et environnemental. L’adoption de ces Lignes Directrices devrait fournir un cadre global pour l’amélioration des politiques, des plans et des processus d’aménagement pour des villes plus compactes, socialement inclusive, avec une meilleure intégration et connexion des territoires, favorisant le développement urbain durable et la résilience face aux changements climatiques.
Parallèlement aussi, et depuis 2012, le Sénégal tente d’améliorer le processus de planification et de développement territorial avec des réponses institutionnelles et des mesures qui visent à corriger les déficiences, à organiser le Sénégal en « territoires viables, compétitifs et porteurs de développement durable » et à produire des progrès significatifs dans le cadre de la planification à l’échelle des territoires en vue de promouvoir un développement territorial harmonieux. Ces nouvelles orientations mettent également l’accent sur une plus forte impulsion dans la création de richesses et d’emplois, le renforcement de la gouvernance, le développement des secteurs stratégiques ayant des impacts significatifs sur l’amélioration du bien-être des populations particulièrement à travers la protection des groupes vulnérables et la garantie de l’accès aux services sociaux de base.
L’approche de participation citoyenne ou de gestion partagée des affaires locales est un processus qui permet, tout en veillant au respect des rôles et responsabilités des différents acteurs de la collectivité locale, d’échanger sur leurs priorités et de suivre leur mise en œuvre.
Dans plusieurs contextes, la participation citoyenne par des approches bottom-up de gouvernance urbaine se sont révélées comme gage d’une meilleure prise en charge des droits économiques, sociaux, culturels et politiques des populations et garanti pour des villes durables inclusive et sûres, bâties sur la cohésion sociale et l’équité.
Au Sénégal, le nouveau Code général des collectivités territoriales, élève la participation citoyenne au même titre que la libre administration des collectivités locales. Il insiste sur la nécessité de garantir une bonne participation des populations dans la gestion des affaires publiques.
Le Projet de promotion de la participation citoyenne dans la planification, budgétisation et gestion des affaires locales au Sénégal (Projet BPS) s’inscrit dans le cadre de l’opérationnalisation de l’Acte 3 de la décentralisation et des orientations majeures définies par l’Etat dans différents documents de politiques nationales et des engagements internationaux auxquels le Sénégal a souscrit. Dans le cadre du processus de mise en oeuvre du Projet BPS, la Charte de la Participation Citoyenne et du Droit à la Cité a été élaborée de manière participative et inclusive et constitue un référent pour consolider les relations entre élus et citoyens dans le but de promouvoir des collectivités territoriales prospères, équitables, inclusives et respectueuses des droits humains. Certes le monde de demain s’ébauche dans les villes, mais le devenir de ces villes sera une affaire de droits, d’accès et de citoyenneté.
La Charte de la participation citoyenne et du droit à la Cité a pour objectif de définir et de garantir des règles essentielles pour l’exercice effectif des rôles et responsabilités qu’imposent les charges d’autorité locale, et pour la promotion des droits et des devoirs de chaque citoyenne et de chaque citoyen de la Cité. La Charte est un référent fondamental, un contrat social et moral – pour les citoyennes, les citoyens et les autorités locales du Sénégal – qui organise la concertation et la coopération entre eux, et contribue ainsi à la construction de projets collectifs autour des politiques et actions publiques locales. Elle s’inscrit dans une dynamique évolutive qui interroge constamment les idées et les pratiques au regard de nouvelles problématiques, et qui s’enrichit du contexte et des réalités des territoires et du vécu des acteurs. Elle permet de prendre en compte la diversité des intérêts et de construire des processus d’intérêt général qui passe par l’implication des populations et l’instauration du dialogue social.
La Charte s’intéresse à tous les domaines de la vie de la Cité du ressort des autorités locales. Elle propose des thèmes spécifiques et définit des orientations et des engagements concrets sur :
– La démocratie locale et la participation citoyenne à la gestion publique locale,
– Les pouvoirs locaux, le Bien commun et le contrôle citoyen,
– Le développement socio-économique inclusif fondé sur l’égalité et l’équité de genre,
– Le cadre de vie et l’environnement.
Par Abdoulaye CISSE
Chercheur, Ingénieur et Conseiller en Formation, Responsable des Programmes à Enda
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