En marge de la deuxième édition de l’Université de la décentralisation, (3 au 5 novembre à Kaolack) organisée par le Cercles des communicants en décentralisation (2cd), le Coordinateur Exécutif d’Enda Ecopop, Bachir Kanouté a accorder à la Tribune un entretien. A cet occasion, il est revenu entres questions sur les enjeux du financement développement local en mettant l’accent sur les mécanismes de financement innovant. A l’en croire, nos villes ne sont pas pauvres mais il y a des mécanismes d’appauvrissement qui sont mis en place et qui font que le maire n’a aucune visibilité sur l’assiette fiscale et le potentiel économique de son territoire.
Est-ce vous revenir sur les véritables enjeux du financement du développement local ?
Aujourd’hui le champ de la décentralisation est marqué par le fait que les collectivités territoriales n’ont presque pas de ressources pour financer le développement local. Le fait qu’elles n’ont pas de ressources pour prendre en charge le développement implique qu’elles ne peuvent pas prendre en charge les besoins essentiels des populations en termes de santé, d’éducation et de mobilité. Ces collectivités n’ont pas de ressources parce que le niveau de transfert de l’Etat vers les collectivités est insuffisant. Ça c’est un aspect. Au-delà de cet aspect, ce qui me parait essentiel, c’est que le financement et le renforcement de la décentralisation doit passer par la mobilisation de ressources durables. Quand on dit mobilisation de ressources durables, c’est les ressources propres des collectivités locales. Quand on fait une analyse, on se rend comptes que nos villes ne sont pas pauvres mais il y a des mécanismes d’appauvrissement qui sont mis en place et qui font que le maire n’a aucune visibilité sur l’assiette fiscale et le potentiel économique de son territoire. Il y a des potentialités économiques qui sont sur le territoire, qui peuvent être mobilisés mais le Maire n’a aucune visibilité la dessus. N’ayant pas de visibilité sur les potentialités économiques de son territoire, le Maire ne peut pas faire de marketing territorial pour attirer les partenaires qui veulent venir s’installer sur son territoire. Face à cela, à Enda nous avons une expérimentation qu’on appelle E. taxe qui permet aux collectivités locales de maitriser la chaine fiscale mais aussi d’avoir une mobilisation de ressources plus efficace. Et cela permet de passer de un à sept par rapport au niveau de mobilisation des recettes. Le deuxième aspect qui semble problématique, c’est que les autres mécanismes de financement innovant que sont entre autres le Ppp, le niveau communautaire, ne sont pas bien explorés. Le troisième aspect, c’est par rapport aux potentialités que les communes ont par rapport à la diaspora et la coopération décentralisée. C’est une niche assez importante qui n’est pas tout le temps bien exploitée. quand on regarde les coopérations décentralisée, elles sont pratiquement déviée de leur fondement car elles ne sont pas adossées à des besoins réels des populations. La diaspora pareille. Quand on regarde notre diaspora, il y a un retour important des ressources financières mais ces ressources vont vers la famille, vers l’immobilier et il y a très peu de ressources qui vont vers l’investissement communautaire. il faut essayer de voir comment dans une réflexion pour que les ressources qui viennent de la diaspora et qui sont beaucoup plus importantes que l’aide publique au développement, soient canalisées vers l’investissement communautaire. Il y a des possibilités extraordinaires qui ne sont pas tout le temps exploitées. En dehors de cela il y a ce que j’appelle le financement innovant. C’est que sera l’enjeu à la Cop 22 qui se tiendra au Maroc. C’est tout ce qui est lié à la mise en place de fonds verts. Il y a des ressources qui existent mais le drame c’est qu’il n’y a pas de capacités au niveau des Etats et des collectivités locales pour monter des dossiers bancables pour aller chercher ces financements
Pensez-vous que la problématique du financement été suffisamment pris en compte pas l’Acte 3 de la décentralisation ?
Au niveau de l’Acte 3, les orientations sont claires. Les études qui devaient être faites au niveau du Comité de pilotage ont été faites. Les propositions qui auraient dues être faites pour le financement du développement local, ont été faites. il reste le pas politique à franchir pour concrétiser ces propositions. le Comité de pilotage avait fait de belles propositions qui tendaient à relever le niveau de transfert de 5% aujourd’hui, à 15% en intégrant tout ce qui est lié à la Tva et de plusieurs autres mécanismes comme la Rse . Nous sommes à Kaolack, quelle est la contribution des salins dans le budget de la commune ? On ne le mesure pas. vous allez à Kédougou à Matam, toutes les entreprises qui font l’extractions minières doivent payer des redevances puisse que le Sénégal a adhéré à l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives ( Itie ). Donc il doit y avoir des redevances qui doivent être reversées à l’Etat et celui-ci doit rétrocéder une partie aux collectivités locales.
Vous avez évoqué tout à l’heure, les fonds verts, est-ce que nous avons l’expertise gouvernementale et locale pour capter ces fonds ?
Là, c’est l’une des faiblesses que nous avons dans nos Etats. Ce n’est pas seulement au Sénégal mais à travers l’Afrique, l’expertise orientée vers cela est rare. je pense que c’est l’un des champs sur lesquels nos Etats doivent se battre pour voir comment renforcer l’expertise nationale qui peut être affectée aux collectivités locales pour que ces fonds verts qui sont alimentés puissent être accessibles aux collectivités locales. c’est important pour ces ressources qui existent qu’on puisse avoir une expertise nationale suffisamment aguerrie pour monter des dossiers bancables pour aller chercher cet argent pour le mettre à la disposition de l’Etats ou des collectivités territoriales.
Quel peut être l’apport du budget participatif pour améliorer la gouvernance locale ?
Aujourd’hui, nous sommes dans un cercle vicieux de l’incivisme fiscal. Juste parce que les populations qui auraient du être impliquées aux décisions, ne sont pas impliquées. L’agenda de développement est défini par l’autorité politique sans concertation avec les populations locales. les groupes moteur du développement dont une partie, c’est les femmes et les jeunes ne sont pas impliquées à la gouvernance. Le niveau de mobilisation et d’affectation des ressources vers les besoins essentiels, est encore très faible. Quand on analyse les budgets des collectivités locales, on se rend compte, ce qui est dédié à l’investissement pour la prise en charge des besoins essentiels se situe entre 5 à 15%. Tout le reste est destiné aux dépenses de fonctionnement. Cela n’est pas durable. C’est ce qui nous a conduit à une situation de crise que j’appelle l’incivisme fiscal. Le citoyen ne voit plus à quoi servent l’impôt et les taxes qu’il paie. Si ces impôts et taxes doivent continuer à alimenter un personnel politique notamment à travers les salaires dans les collectivités locales, c’est clair que le citoyen à un moment, va tout faire pour échapper à la fiscalité. Pour rompre de ce cercle vicieux, il est important de changer de paradigmes pour avoir une approche de gouvernance orientée vers les besoins essentiels des citoyens. C’est l’approche du budget participatif qui a été mis en place afin d’impliquer les acteurs moteur du développement à l’élaboration du budget ce qui permettra d’avoir une transparence dans la gouvernance et plus d’efficacité dans l’exécution du budget.
Est-ce que c’est une manière de dire que l’incivisme fiscal est une conséquence de la mal gouvernance ?
C’est claire que l’incivisme fiscal est une conséquence de la mal gouvernance, une conséquence de la non transparence et de la non communication .c’est aussi une conséquence de la non redevabilité des autorités par rapport aux citoyens et de l’affection des ressources vers des besoins non essentiels des populations. C’est ce qui apporte l’incivisme fiscal parce que le citoyen va dire que je ne me sens pas dans cette gouvernance et la première réaction à avoir c’est comment échapper à la fiscalité. Et c’est cela qui conduit à l’incivisme fiscal.
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